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« La candidature Harris-Walz conjugue le langage de l’autorité avec une éthique du soin aux plus vulnérables »

Lorsqu’elle quitta les Jeux de Tokyo il y a trois ans, confessant une profonde fébrilité psychique, l’invincible gymnaste américaine Simone Biles a, l’espace d’un instant, engagé la conversation, loin du corps puissance, sur les maux de l’esprit et ainsi brisé le tabou de la santé mentale aux Etats-Unis. Depuis le Covid-19, celle-ci connaît une crise profonde qui frappe en silence toute la population. Mais les femmes noires, comme le sait la jeune athlète solidaire de Black Lives Matter, sont deux fois plus touchées, deux fois moins susceptibles d’accéder à une aide médicale que le reste de la population et bien davantage stigmatisées lorsqu’elles témoignent de leurs difficultés. Une longue histoire de racisme et de violence est passée par là et les spécialistes parlent du « syndrome de la superwoman » pour qualifier cet impératif de solidité et d’autosuffisance qui s’impose aux femmes des communautés historiquement maltraitées.
Loin des médailles, l’actualité nous révèle justement l’ampleur et la permanence de la folie sociale qui s’abat sur celles qui baissent la garde : le 6 juillet, l’Afro-Américaine Sonya Massey a été abattue à son domicile de Springfield dans l’Illinois, par un policier blanc. En proie à un épisode psychotique, Massey avait appelé les forces de l’ordre à l’aide, car elle craignait d’être cambriolée. Les deux policiers qui arrivent sur les lieux comprennent sa détresse mentale mais, après qu’elle leur est apparue menaçante, l’un d’entre eux lui annonce qu’il « [va] lui tirer une balle dans la tête » et s’exécute.
Cet énième épisode rappelle que la violence policière systémique vis-à-vis des Noirs n’a guère décru depuis la mort de Breonna Taylor, tuée par la police à son domicile, en 2020. Mais aussi que ce sont les policiers et non des services médicaux spécialisés qui interviennent en cas d’urgence psychique, en raison d’une politique publique sécuritaire qui pénalise bien plus qu’elle ne soigne.
Il revient à une troisième femme noire de politiser cet enjeu, en inventant un récit qui fasse droit au triomphe de Biles et à la tragédie de Massey. Kamala Harris, la candidate démocrate, semble jusqu’alors avoir choisi le langage judiciaire familier de l’autorité et de l’ordre, celui d’un procureur inflexible face au « criminel Trump ». Magistrate de l’Etat carcéral de Californie, elle avait appliqué une loi pénale d’airain et refusé un encadrement plus strict des agissements policiers. Ce n’est qu’en 2020, en campagne, qu’elle s’est exprimée sur la nécessité de réallouer les budgets des commissariats vers les centres sociaux. Plus que jamais aujourd’hui, face aux attaques du camp républicain et à la misogynie, elle se doit d’incarner la sentence plutôt que le soin.
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